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De la psychiatrie au Vietnam



Notre motivation pour découvrir l'univers de la psychiatrie au Vietnam a porté ses fruits ! Toutes deux passionnées par le soin infirmier en psychiatrie, nous considérions ce stage à l'étranger comme possiblement l'unique opportunité de découvrir de si près un milieu psychiatrique, forcément différent, dans lequel nous ne pourrions exercer au vu de la barrière de la langue. C'était l'occasion rêvée de pouvoir s'ouvrir un peu plus à d'autres pratiques et remettre en question et en réflexion les nôtres. Particulièrement dans ce milieu, c'est aussi et encore confronter les idées reçues et les certitudes de chacun. Après avoir interviewé le psychiatre de notre établissement, rencontré d'autres psychiatres lors d'une réunion autour du développement de la psychothérapie, partagé notre engouement et notre projet, nous avons eu l'honneur de recevoir nos lettres officielles pour rencontrer des professionnels de la santé mentale dans deux hôpitaux psychiatriques distincts :


- Hanoi Psychiatry Hospital (l'hôpital psychiatrique gouvernemental) 

- Le Central Psychiatry Hospital (hôpital public)



Ces multiples rencontres et visites nous ont permis de poser mille questions et d'obtenir à la fois des réponses et de nouvelles questions. Heureusement nous avons gardé quelques mails pour en poser de nouvelles. Nous avons pu aussi et surtout noter des différences de pratiques, d'orientation clinique et réflexive... De quoi nous apercevoir de manière un peu plus flagrante que le soin, notamment en psychiatrie, s'appuie sur des valeurs portées et valorisées par une culture qui vient forger notre pensée et nos mouvements réflexifs. 


   Premier hôpital: l'accès nous a été donné dans le service de psychologie clinique et dans le service d'admission des hommes. 


SERVICE DE PSYCHOLOGIE CLINIQUE

Création il y a 6 ans. Accueil d'enfants, d'adolescents et d'adultes, essentiellement en suivi ambulatoire, avec des consultations auprès de psychiatres, psychologues, kinésithérapeutes, éducateurs spécialisés et infirmiers. Mais il y a aussi une dizaine de chambres pour l'accueil de 20 ou 25 patients maximum nécessitant une admission. Les pathologies rencontrées sont essentiellement l'autisme, la déficience mentale et l'hyperactivité pour les enfants. La dépression, les troubles anxieux et les TOCs chez les adolescents.  Enfin pour les adultes, ce service s'occupe essentiellement de la pose de diagnostic des psychoses, avec la mise sous traitement initial et accueille quelques patients psychotiques, essentiellement sous SPDT. 



UNITE D'ADMISSION

Les services d'admission, quant à eux comptent 600 lits. Les unités sont non mixtes et se divisent en plusieurs dortoirs d'une vingtaine de lits. Certains patients dorment à plusieurs dans un lit. Ils portent tous une tenue semblable à un pyjama bleu rayé. Il faut avouer que la tenue nous a à tous fait évoquer les vêtements portés au sein des camps de concentration... La plupart des patients que nous avons pu croiser sont très sédatés, les neuroleptiques utilisés le plus couramment étant les classiques les plus sédatifs et la contention chimique étant préférablement utilisée à la contention physique.




Suite aux interview réalisées auprès des professionnels de la psychiatrie, nous pouvons évoquer les points fondamentaux pour les hôpitaux visités. De quoi se faire une idée, certes très généralisée, de ce que peut être le soin psychiatrique au Vietnam. Nous ne voudrions néanmoins pas oublier que chaque établissement a ses spécificités et une réflexion unique autour de l'amélioration du soin pour le patient. 


- Le travail et la réflexion en équipe sont essentiels. L'idée étant de penser le soin ensemble et de créer un projet commun pour un groupe de patient. Nous avons tenté d'interroger le principe de projet personnalisé pour chaque patient mais il nous a semblé moins défini que le nôtre, au profit d'un projet plus communautaire, construit autour des observations spécifiques à chaque pathologie. De quoi éventuellement nous rappeler que si le capitalisme pense l'individu dans sa faculté à se construire un soi différencié et à mettre en exergue son empowerment, le principe communiste pense l'individu comme partie intégrée à une communauté sociale large et parallèlement à un foyer familiale dont il est comme indétachable. 



- Ainsi au Vietnam les soignants forment-ils une communauté distincte, marquée par le port de la blouse blanche qui, si elle est de plus en plus débattue en France dans les milieux psychiatriques, est considérée comme un outil de travail intrinsèque au soignant Vietnamien. La blouse constitue un uniforme indiscutablement obligatoire. Elle vient insister sur la séparation des mondes soignants et patients mais également appuyer l'incarnation du système hiérarchique profondément marqué dans la société vietnamienne. 

- Pour la majorité des Vietnamiens, la psychiatrie est encore teintée d'un certain nombre de stéréotypes bien que ceux-ci soient en pleine évolution depuis une vingtaine d'années. Une confusion se crée très fréquemment aussi dans les discours entre problème psychiatrique et neurologique, du fait que les deux termes en Vietnamien seraient proches. Par ailleurs, comme dans beaucoup de pays, la notion de folie associée à la psychose reste omniprésente dans beaucoup d'esprits. Ainsi la confiance dans le soin psychiatrique est encore très relative dans un pays où les croyances spirituelles, religieuses sont extrêmement fortes et où la médecine traditionnelle est considérée comme une valeur plus sûre que la médecine importée de l'Occident. Les Vietnamiens se tourneront d'abord vers la prière dans les temples et pagodes et consulteront les ancêtres par l'intermédiaire de cultes et rituels. Le soin psychiatrique reste le tout dernier recours... Également parce qu'en s'immiscant dans les vies, il provoque une forme de rupture et d'éclatement d'une famille qui se veut soudée à la manière d'une entité absolue. 

- Nous l'avons déjà vu, la Famille représente le socle même de tout le système social Vietnamien. Aussi riche financièrement soit-il, un homme sera bien pauvre s'il n'a pas de famille. Ainsi l'hospitalisation en psychiatrie se fait-elle toujours en urgence sous SPDT à la demande de familles qui ont déjà usé de tous leurs moyens d'action. Dans les campagnes, ou aucune structure psychiatrique n'existe encore, on garde le patient malade à la maison, au milieu de plusieurs générations, et on tente de trouver une stabilité relative. C'est en ville, où de plus en plus la famille nucléaire prend le dessus et où il apparaît plus délicat d'intégrer socialement un membre jugé trop différent, que les familles font le choix d'adresser en dernier recours l'individu malade aux structures les plus proches.  - Nous sommes en train de le découvrir, la différence principale entre le soin à l'Occidental et le soin dans un pays dit communiste, est ce principe même de Famille qui modifie tous les rapports en profondeur. Ici la famille est soignante. Vous n'imaginez pas à quel point. Même lorsque le patient est finalement "cédé" à la structure psychiatrique, la famille reste présente et vient quotidiennement apporter des soins et des visites au patient. Ainsi on voit dans les services, au milieux des patients psychotiques, des femmes, des mères, des enfants et même des bébés ! Rappelons qu'en France dans la majorité des unités, les enfants sont interdits ! Dans l'idée peut-être que la vision de la maladie mentale serait choquante? On peut se demander si notre système créé une forme d'exclusion ainsi ancrée dès la plus tendre enfance. En restreignant l'accès aux enfants, engendre-t-on l'idée que le lieu psychiatrique contient quelque chose de malsain, de dangereux? En tous cas, dans le pavillon des hommes comme celui des femmes, les enfants vivent la plupart du temps aux côtés de leurs parents malades. Les familles vont être formées par les soignants a certains soins infirmiers et certaines surveillances essentielles à exercer auprès de leurs proches. 



- Les soignants sont donc dans une démarche totalement inclusive vis à vis des familles des patients. Ils forment et délèguent. L'une des causes de cette inclusion est aussi le manque important de personnel et de structures qui impliquent de manière obligatoire la participation des familles.  - L'orientation principale du soin psychiatrique au Vietnam va vous paraître à présent tout à fait logique ! Si en France, les théories psychanalytiques et majoritairement freudiennes sont toujours les reines quasi incontestables, ce sont ici les théories systémiques qui remportent un franc succès. En effet la thérapie systémique familiale aborde comment les interactions entre les membres d'une famille peuvent influencer le comportement d'un individu. Imaginez donc que considérer sous un aspect psychanalytique, une structure psychotique se construit parce que l'individu n'a pas pu dépasser certains stades de développement essentiels de sa petite enfance, et donc reste bloqué dans un de ces stade dit inférieurs. Mais considérer la psychose sous un concept systémique, c'est croire que c'est parce que la famille opére un dysfonctionnement au niveau de sa communication (injonctions paradoxales, absurdités, contradictions et humiliations...) que le patient ne peut se construire de manière adaptée. Imaginez ainsi tout ce que ces pensées peuvent impliquer dans la considération du soin et de l'individu. A qui appartient la faute ? Peut-on même parler de fautes? La décompensation d'une psychose n'est-elle pas la conséquence d'un ensemble de facteurs multiples: génétiques, héréditaires, environnementaux, familiaux, traumatismes, individuels...?  - Le principal outil utilisé est la TCC: Thérapie Cognitivo-comportementale. Une thérapie de groupe  entre personnes souffrant d'un même trouble qui vient encore une fois se différencier de l'outil psychanalytique qui prend soin de l'individu isolé. 



- De nombreuses consultations avec le psychiatre se font en compagnie de la famille ! Cf. Thérapies systémiques et familiales au-dessus.


- Les traitements médicamenteux sont souvent en seconde intention, beaucoup de psychiatres tentant en premier lieu une psychothérapie. Pour les patients atteints de psychoses, les neuroleptiques classiques et surtout les sédatifs, sont encore les plus utilisés, avec en chef de file l'HALDOL.  Les effets secondaires sont donc nombreux et des correcteurs type Lepticur pour les syndromes extrapyramydaux ou le Surfarlem pour les sécheresses buccales sont rapidement mis en place. Cependant les neuroleptiques atypiques tendent petit à petit à se démocratiser, avec notamment le succès de la Clozapine. 



- Un autre traitement très répandu est la Stimulation Magnétique Transcrâniale, l'équivalent magnétique de l'Electro Convulsivo-therapie (ECT) mais bien plus léger, ne va pas jusqu'à la crise d'épilepsie et surtout ne nécessite pas d'anesthésie générale. Cette thérapie bien moins lourde semble produire de bons effets. 




- La contention est utilisée pour les indications de violence. C'est souvent pour cette indication aussi que les familles conduisent les patients jusqu'à l'hospitalisation. Il y a au moins une chambre d'isolement dans chaque unité, mais souvent plutôt deux ou trois. Les lits de contention sont faits de métal avec une mince paillasse en guise de matelas. Les contentions en elles-mêmes sont en tissus épais et les infirmiers apprennent à réaliser un noeud spécifique. Concernant la chambre des urgences que nous avons pu visiter dans le second hôpital, seulement deux infirmiers sont en charge de maximum 6 patients en crise et contenus. 


- Enfin les soins dit traditionnels ou alternatifs sont bien plus développés qu'en France, comme l'acupuncture notamment, l'art-therapie, la musico-therapie et la karaoke-therapie, très culturelle qui est un succès dans l'unité de gérontopsy ! - Le rôle infirmier serait-il légèrement plus complet en France dans le soin psychiatrique ou est-ce simplement de l'ordre de la différence? En tous cas, au Vietnam les infirmiers ne réalisent pas d'entretiens infirmiers avec les patients. Seuls les psychiatres, psychologues, psychotherapeutes, mais aussi les cadres de santé (souvent anciens IDE) peuvent les réaliser. Le rôle infirmier en psychiatrie au Vietnam semble s'articuler autour de l'administration des thérapeutiques, de la réalisation des soins infirmiers, de l'organisation de certains ateliers occupationnels et de la fonction contenante avec l'instauration du cadre et tout ce qui s'y rapporte... 


- Dans l'interrogatoire et les surveillances infirmières, nous avons pu aborder la prise en charge du risque suicidaire, centrale en psychiatrie. Si en France, on apprend à dépasser très vite les tabous associés à la communication autour de la mort, pour mener un interrogatoire direct sur les idéations suicidaires scénarisées ou non, au Vietnam, la communication souvent indirecte et implicite amène les soignants à contourner le sujet de l'idée de mort et suicidaire en posant d'autres questions bien plus implicites. L'observation clinique est pour eux le meilleur outil dans l'évaluation du risque de passage à l'acte auto-agressif. Les soignants Français considèrent ainsi que plus on parle de suicide, plus le risque est prévenu, car parler de suicide ne provoque pas le suicide et n'en donne pas l'idée. Tandis que les soignants Vietnamiens estiment qu'un patient ayant des pensées suicidaires les cacherait absolument à l'équipe soignante et passerait à l'acte une fois isolé... On peut supposer que l'expression d'émotions aussi profondes que celles associées au désir de mort et de destruction pourrait s'avérer délicat dans une culture où dévoiler trop de son soi profond est souvent mal considéré. 


Cette expérience a été d'une richesse absolue en terme d'apprentissage mais aussi et surtout d'ouverture d'esprit. Elle a été l'occasion inouïe d'une réflexion en commun avec notamment la dernière jeune psychiatre qui nous a reçu et était si enthousiasmée d'échanger avec nous. Passionnée d'enrichir elle aussi sa vision de la psychiatrie mais également ses outils de soins, elle ne cessait de poser elle aussi des questions sur le soin infirmier, les moyens mis en oeuvre en psychiatrie, humains et financiers, la charge de travail administrative croissance au détriment du reste,  et enfin les ateliers mis en oeuvre dans les structures fermées en France. 



Nous avons été assez fascinées par cette inclusion totale de la famille au sein des structures et même au coeur des soins infirmiers. A l'avenir, nous aimerions intégrer un peu plus cette vision globale du patient non pas isolé mais membre d'une petite communauté qui a participé à sa structuration et à son individualisation et que l'on nomme famille. 

Topo sur la psychiatrie actuelle au Vietnam :

- Seulement 800 psychiatres sur tout le territoire. 

-Seulement 33 structures psychiatriques hospitalières sur 64 provinces au Vietnam et uniquement au sein des zones très urbanisées. Dans les terres, dans les campagnes, il n'existe pas de structures accueillantes. Les malades demeurent avec leur famille ou bien sont amenés dans les cas extrêmes vers les structures les plus proches. 

- Pour rappel, comme dans toutes les populations du monde, le taux de patients atteints de schizophrénie est stable: 1%. 

- En revanche, le taux pour les patients bipolaires ou encore pour les dépressions est légèrement variable selon les peuples. Il est globalement plus élevé dans les populations industrialisées. Il est donc plus faible au Vietnam. Mais il est toujours ardu de décréter si les causes sont sociales ou bien un sous- diagnostic ou encore une différence de critères diagnostic...


- Les personnes souffrant de troubles psychiatriques et notamment psychotiques sont en grande difficulté en terme d'insertion sociale (mariage particulièrement) et professionnelle.


- L'organisation et la répartition des malades dans les secteurs et les hôpitaux ne se fait pas par zones géographiques mais par pathologies, par exemple, il y a le pôle Gérontopsychiatrie, le pôle Bipolarité, le pôle Toxicomanie, Alcoolisme, Psychiatrie Infantile, Urgences psychiatriques, etc.


- L'influence des médecines traditionnelles est omniprésente, et les psychothérapies avec des outils tels que l'acupuncture, l'hypnose, la relaxation, les techniques de suggestions, ou encore la luxopuncture, électropuncture et hydropuncture, sont bien plus développés que dans l'hexagone.


- Rappelons que tout comme pour les soins hospitaliers généraux, les soins psychiatriques sont payants, donc peu accessibles pour de nombreuses familles... Les assurances sont très peu développées de plus concernant les soins psychiatriques, au vu des stéréotypes péjoratifs toujours d'actualité.









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